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bière
Les origines de la bière sont presque aussi lointaines que celles du vin, et c'est l'une des raisons qui m'ont incité à inclure ce chapitre dans un guide consacré aux vins et spiritueux européens, bien que la bière ne fasse partie ni des uns ni des autres. Tous les peuples en effet ont fait de la bière, à toutes les phases de leur civilisation. Les tribus africaines en fabriquent avec du millet, les Japonais avec du riz, les habitants des Amériques, les Européens, les Australiens et les autres font leur bière avec de l'orge. On en boit dans le monde entier, surtout en Belgique où la consommation annuelle s'élève à quelque 135 litres par tête et par an, ce qui, sur ce plan, constitue un record que nous laissons à nos amis frontaliers.
La bière, c'est le nom général de toutes les espèces de bières blondes ou brunes, légères ou fortes, vendues à la pression, en bouteille ou en boîte de métal, faites avec du malt, du sucre, du houblon, de l'eau et du levain qui fait fermenter ces ingrédients. Bien évidemment, la qualité du breuvage dépend largement de ces matières premières et de leur aptitude à donner la bière souhaitée.
La fabrication de la bière
Le malt commence sa vie sous le nom d'orge. Des variétés spéciales de cette céréale sont cultivées soigneusement jusqu'à maturité. Ensuite on imbibe l'orge d'eau et on la laisse germer dans des conditions déterminées et surveillées afin que l'amidon se transforme en sucre soluble. Cela fait, on la sèche et on la fait griller; légèrement, pour obtenir une bière blonde, et plus intensément pour une bière brune. Les sucres utilisés pour le brassage sont des sucres de canne, traités de diverses manières pour donner des goûts différents et une bière plus ou moins douce.
On cultive des variétés spéciales de houblon pour la brasserie qui n'utilise que la fleur : un cône de pétales d'or contenant résine et huiles. C'est le houblon qui donne à la bière sa pointe d'amertume. L'eau de brasserie est en général traitée avec des sels minéraux convenant au type particulier de bière à fabriquer. Au temps où l'on n'analysait pas encore l'eau, les grands centres de brasserie apparurent, comme en Écosse, là où une source ou un ruisseau convenaient particulièrement bien à certains types de bière.
La levure, qui est composée d'organismes vivants, est l'agent qui fait fermenter la bière. Le brassage n'est pas une opération très compliquée : on écrase le malt dans un moulin et il est versé dans l'eau à une température surveillée attentivement. La solution de sucre est soutirée. Des tambours rotatifs agitent ensuite le mélange pour que chaque grain baigne dans l'eau et que tout le malt soit utilisé. Il ne reste plus que les pellicules qui sont d'ailleurs vendues, comprimées, pour l'alimentation du bétail (on ne sait pas si cela peut avoir une influence sur le lait...). Le malt non encore fermenté qui s'appelle alors wort est pompé dans des bouilloires de cuivre où on lui ajoute le houblon et du sucre. On fait bouillir le wort pendant une heure ou deux. C'est à ce moment que le parfum et l'amertume du houblon se combinent à la douceur et au goût du malt et du sucre.
Après ébullition, le houblon est retiré par filtrage, on rafraîchit le mélange, on le transfère dans un autre récipient et on y verse le levain qui agit sur le sucre, comme dans la fermentation du vin : transformation en alcool d'une part et gaz carbonique de l'autre. On conserve le gaz et l'on s'en sert pour rendre plus gazeuses les bières vendues en bouteille ou en boîte. La fermentation prend plusieurs jours au bout desquels la masse de levure tombe au fond de la cuve de fermentation et s'y stabilise s'il s'agit de bière dite lager. S'il s'agit de blonde claire, nommée ale, le levain, au contraire, s'accumule à la surface du liquide. Dans les deux cas, on le recueille. Il y en a alors beaucoup plus qu'à l'origine ; pendant la fermentation, en effet, les levures prolifèrent. La masse recueillie à la fin servira à provoquer d'autres fermentations et pourra être vendue aussi pour le traitement des hommes et des animaux, car c'est un dépuratif et, paraît-il, une source de vitamines.
Dans la plupart des pays où l'on consomme de la bière, le breuvage est conservé dans de grands réservoirs à une température proche de zéro degré, pour le stabiliser et lui assurer des qualités satisfaisantes et durables. Après filtrage, on le gazéifie au gaz carbonique et on l'expédie en barils, bouteilles ou boîtes. Désormais la plupart des bières sont pasteurisées (chauffées à 60°C) pour détruire les plus infimes vestiges de levure qui pourraient subsister après filtrage. Ils pourraient, en effet, fermenter, se multiplier et troubler la couleur de la bière.
La qualité de la bière varie considérablement selon la brasserie qui la produit, l'habileté et le savoir-faire du brasseur. Les principaux types de bières : ale, lager, Porter et Stout.
Les bières trappistes
A tout Seigneur tout honneur (mérité). Seules cinq bières sont effectivement aujourd'hui brassées par les moines et ont par conséquent droit à l'appellation Trappiste. Si les ordres religieux de France ont acquis une grande réputation en produisant des liqueurs à base d'herbes sauvages comme la Bénédictine, en Belgique, c'est à la bière qu'ils se sont consacrés. D'abord pour leur usage personnel : on a beau être moine, on n'en est pas moins homme; ensuite (et surtout) pour procurer des fonds à leur communauté, puis alimenter des œuvres de charité.
Toutes les bières trappistes sont à fermentation haute, c'est-à-dire qu'on y ajoute un peu de levure au moment de la mise en bouteille. Elles forment toujours un certain dépôt au fond de la bouteille. Il est donc nécessaire de les laisser reposer couchées avant de les déguster. Elles se conservent parfaitement et s'affinent même en vieillissant (pas plus de quatre ans, quand même). Je vous conseille de les boire à la température ambiante. Il vaut mieux, à la limite, qu'elles soient un tout petit peu plus chaudes que fraîches, et les placer au réfrigérateur avant de les servir serait les gâcher.
Dans la mesure où la production est limitée et l'origine garantie, on dispose d'une bonne assurance que la qualité des Trappistes sera maintenue. Les couvents n'ambitionnent d'ailleurs pas d'augmenter leur production et il est fort possible, en raison de la hausse de la demande, qu'il y ait des ruptures de stocks.
La Chimay est une exception, car sa production se développe, une partie du travail de mise en bouteilles n'est plus faite au couvent même, et le risque est pris de voir sa qualité baisser dans les années à venir si cette politique de quantité se confirme. Les meilleurs sont la Chimay, l'Orval, la Rochefort, la Saint-Sixtus et la Westmalle (voir ces mots).
Les bières d'abbaye
L'appellation bière d'abbaye est beaucoup plus vague. Une douzaine d'abbayes (en dehors des cinq trappistes déjà citées) se consacrent effectivement à la production de bière. D'autres marques adoptent pourtant ce sigle sans être produites dans des institutions religieuses.
Les meilleures sont celles de l'Abbaye de Leffe, l'Abbaye des Templiers et l'Abbaye de Floreffe. La Cuvée de l'Ermitage est fabriquée par la Brasserie de l'Union, dans le Hainaut. C'est une douce ambrée de 8° qui n'en est pas moins excellente. La Cuvée de Saint-Amand est une très bonne brune forte, brassée par De Branbandre, en Flandre. La Saint-Feuillen est une bière douce et dorée à l'arôme parfumé, produite par la brasserie Friard, au nord de Mons.
Les Gueuses
Voir ce mot. Les meilleures sont la Kriek et la Timmermans. Une spécialité : les bières aux cerises. En Belgique on les appelle des Krieken-Lambic.
Les ale
L'une des plus célèbres est bien sûr la Guinness, qui a su conserver à mon sens une réputation méritée. A ses côtés, la Thoma Hardy, qui a un goût très particulier et vieillit vingt-cinq ans en fût, et la Prize Old ale, fabriquée à Portsmouth par Gale, une excellente bière rouge présentée en bouteille bouchonnée (ce qui est rare). Elle a une saveur très particulière et elle fait plus de 10°. Dans un autre style, la Bass Pale ale est une bière qui a un goût de houblon prononcé (environ 5°), légère, agréable, de grande production pour étancher votre soif ou accompagner une choucroute.
Les autres spécialités
Elles sont innombrables et bien souvent de fabrication artisanale : souvent une brasserie ne fournit qu'une région ou un village... Quatre bières tiennent le haut du pavé : l'Adelscott, la De Konninck, l'Eku Kulminator, la Gouden Carolus. A leurs côtés, la Witkap Pater, blonde et claire, est également fabriquée dans la région d'Anvers, avec une saveur parfumée légèrement amère. Une autre bonne bière pour se désaltérer, la Dortmunder Classic. Blonde et désaltérante, c'est une bière de densité légère particulièrement bienvenue pour étancher la soif. La Stiftsherren est une autre Dortmunder pleine de corps et tout aussi désaltérante. A servir à 9 ou 10° avec un bon collier.
Le Danemark est surtout connu pour ses Pilsener douces. Le pays compte pourtant une variété de bières extraordinaire qui n'est comparable qu'à celle des bières belges et allemandes. Carlsberg et Tuborg : les marques les plus connues sur notre marché diffusent elles-mêmes une quinzaine d'autres marques sur le marché intérieur danois. Parmi les productions les plus originales, notons les Bières Blanches très légères. Bien sûr, il y a les hollandaises dont Heineken, très implantée en France, est la marque la plus connue. La Trappist (la seule bière d'abbaye de Hollande) vous décevra peut-être, car c'est en réalité une Pils courante pour la soif, quoique de bonne qualité.
Goûtez aussi les bières irlandaises et les écossaises dont la Campbell's Scotch, assez forte mais moins alcoolisée, malgré son nom, que les allemandes et les belges les plus corsées.
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